Ce blog parle de villages dont on s'occupe peu dans les médias, parfois miniers comme Saint Florent sur Auzonnet, niché dans une vallée retirée, envaginé au creux de montagnes, Molières sur Cèze, Le Martinet, Saint Jean de Valériscles, La Grand Combe etc... Une vie poétique et dure à faire renaitre pour tous. Germinal. Ayant filé plus loin que prévu -grâce à Aliaa Elmahdy- il est à présent bilingue français-anglais. This blog speaks about Cevennes villages unknown in media, sometimes mining (coal), Saint Florent, nestled in a secluded valley, Molières, Le Martinet, St. Jean, La Grand Combe ... A poetic and hard life revives here. Germinal (Zola). Having spun further than expected, thanks to Aliaa Elmahdy, it is now bilingual. Note: if someone finds mistakes in english, I would be pleased if he corrects them ! Thanks. Hélène Larrivé

jeudi 27 décembre 2012

Newtown, USA. La vie qui dépend d'une carte bleue.

In english here (link)

Newtown. Les Etats Unis, le pays le plus violent qui soit, structurellement. Edifié sur deux génocides, qui perdurent. La vie au bout d'une carte bleue

A partir de l'article de Michael Moore à propos du massacre de Newtown. Un constat accablant. (Bernard Gensane)


'Il me parait évident que la prophétie des Mayas s’est réalisée, à ceci près que le seul monde qui ait disparu comme mythe est l'Amérique. Ces massacres sont des symptômes, le haut d'un iceberg. Ils ne vont pas cesser, nous le savons. Cela ne signifie pas qu’il faille arrêter de lutter. Nous aimerions voir voter des lois plus restrictives (interdiction d'armes automatiques ET semi automatiques, de chargeurs comptant plus de 7 balles, plus de contrôles, d’examens de santé…) mais autant ceci contribuera à faire baisser le nombre de morts par balles (à New York où il est pratiquement impossible d’acheter une arme de poing, le nombre de meurtres est tombé de 2200 à moins de 400), autant cela ne mettra pas un terme aux tueries collectives, ne résolvant pas les problèmes fondamentaux qui les génèrent. 

Le Connecticut (20 enfants en bas âge assassinés ce 14 décembre) avait l’un des arsenaux législatifs les plus contraignants, le tueur un casier vierge, jamais référencé chez un marchand, toutes les armes qu’il a utilisées étaient légales, l’école de Sandy Hook avait été fermée à double tour AVANT son arrivée et des exercices de simulation avaient eu lieu pour prévenir un tel épisode… Un point embêtant : le tueur ne mit terme à son massacre (en se suicidant) qu'au moment où il vit les flics armés grouillant dans l’enceinte ; ils empêchèrent au risque de leur vie 20, 40 ou 100 morts de plus. Donc parfois, les flingues, ça marche. Cela dit, il y avait un shérif adjoint à Columbine le jour du massacre et il ne put rien empêcher.


Une nouvelle législation, nécessaire, sera plutôt cosmétique car le pays est structuré par la violence. Dans notre nation, née d’un génocide et construite par un autre (l'esclavage), l'atavisme est là: la vie humaine -enfin, celle des autres- ne pèse rien ; nous avons "civilisé" le Far West avec le pistolet à six coups ; nos dirigeants perpétuent en notre nom des invasions de pays souvent immorales; nous violons, battons et tuons nos femmes à un rythme sidérant, nous appartenons à ce groupe illustre (Corée du Nord, Arabie Saoudite, Chine, Iran) qui applique toujours la peine de mort; dans nos prisons, les plus inhumaines qui soient, les gangs font régner la terreur.. et des milliers d'entre nous meurent chaque année par manque de couverture sociale. 

Pourquoi? parce qu’on le peut! En nous (qui sommes aussi animés de sentiments amicaux) une immense arrogance nous fait croire qu’il y a quelque chose d’exceptionnel par rapport aux "autres". Que nous sommes n° 1 dans tous les domaines alors que nos étudiants sont les 17e en sciences, les 25e en mathématiques (et la philo? mmm ?) et notre espérance de vie la 35e au monde.. que nous sommes la plus grande démocratie de la planète alors que notre taux de participation aux élections est le plus bas de tous en occident. Que nous sommes les plus forts et les meilleurs dans tous les domaines; donc nous exigeons et prenons tout ce que nous voulons. Pourquoi? parce qu’on le peut!

Et pour cela nous nous conduisons parfois comme des fils de pute, sur le plan général (invasion de pays) ET personnel ; ce n'est pas un dysfonctionnement mais au contraire le fonctionnement "normal" d'une nation ainsi construite. Et si l’un de nous pétant les plombs en peu plus que d'autres révèle la nature psychotique et les conséquences de notre violence structurelle, par exemple à Newton, Aurora ou Virginia Tech, alors "notre compassion vis à vis des victimes" et "les mesures" promises par nos présidents sont des emplâtres sur jambe de bois. Pourquoi ces meurtres de masse? Parce que je le peux. Toujours. [Cela n'a rien à voir avec, par exemple en Norvège, la tuerie de Breivik qui se croyait investi d'un abominable béruf, ici ce n'était pas "parce que je le peux", mais pour "sauver l'humanité perdue".]

Les Américains sont le peuple le plus violent de la terre. Cause et conséquence de :
1 la pauvreté. 50 millions vivent dans la pauvreté, un sur cinq souffre de la faim, la majorité n’a plus rien en fin du mois.. ce qui engendre de plus en plus de délit ou crimes. Les emplois (type de ceux de la classe moyenne) préviennent la violence. Si mon voisin a un vrai boulot et gagne 50 000 dollars par an, y a-t-il un risque qu’il pénètre chez moi par effraction, me tue et embarque ma télé ? Non.
2 la peur, le racisme. Nous sommes un peuple extrêmement peureux, parano, si l’on veut bien considérer que contrairement à la plupart des nations nous n’avons jamais été envahis.. Pourquoi avons-nous besoin de 300 millions d’armes? On comprend que les Russes puissent avoir les jetons puisque 20 millions d’entre eux sont morts pendant la 2ième Guerre mondiale. Mais nous? A-t-on peur que les Indiens reprennent le sentier de la guerre ? Que les Canadiens rachètent trop de cafétérias des deux côtés de la frontière ? La grande majorité des armes sont achetées par des Blancs vivant dans les banlieues résidentielles ou à la campagne qui ont peur des noirs ou des pauvres. Quand nous fantasmons sur une agression, quelle image de l’agresseur surgit dans notre tête ? Le môme à tache de rousseur de la maison d’à côté ? non, un noir ou à tout le moins, un exclu.  
3 la société du "moi-je". C’est cette éthique du chacun pour soi qui génère ce délitement. Je me débrouille par mes propres moyens. C’est pas votre problème. C’est le mien. La banque a saisi votre maison ? Pas mon problème. Vous ne pouvez aller en fac ? Pas mon problème. Vous tombez malade, vous ne pouvez payer l’opération ? Pas mon problème. [Ndlr, une collègue mienne, française ayant émigré aux USA par ambition, le genre à clamer que les questions sociales, ce n'était pas son problème, en pleine exsanguination -un avortement spontané- se vit refuser par l'hôpital l'intervention vitale -curetage et compression- jusqu'à ce que sa carte bleue puisse être débitée. Elle serait sans doute morte à 30 ans si elle n'avait eu des amis qui firent l'avance illico; elle n'était pas pauvre -en ce cas elle serait plus- juste malchanceuse: ce qui "n'est pas mon problème", un jour ou l’autre, le deviendra. Les USA sont un pays où on doit passer entre les gouttes.. jusqu'au jour où on reçoit l'averse létale de plein fouet.] C’est donc une société où on a à bon droit raison d’avoir peur. La vie au bout d'une carte bleue qui simplement dysfonctionne, cela n'a rien de rassurant. Un pays structuré par l'angoisse, nid de l'individualisme, de la barbarie, violence et corruption. .

[J’ai constaté au cours de voyages que] d’autres pays estiment que s’occuper de tous et de chacun bénéficie à l’ensemble. Des soins, des droits universitaires, une assistance aux malades mentaux gratuits... non, ce n'est pas du luxe, ce n'est pas juste pour "eux", pour des démunis, mais cela profite à tous. Un malade non soigné contaminera d'autres etc.. Pourquoi nous ne pouvons-nous pas le voir ? Parce que dans de nombreux autres pays, les gens ne se perçoivent pas comme des entités individuelles mais comme les membres d’un groupe sur le chemin de la vie, chacun existant comme partie d’un tout, l'un par l'autre. On aide ceux qui en ont besoin tandis que chez nous on les punit pour cela ! parce qu’ils ont joué de malchance ou parce qu’ils sont dans une mauvaise passe. Pour nous, c'est leur problème. En aucun cas le mien. Courte vue.


C'est la raison pour laquelle les meurtres par balles dans les autres pays sont si rares : leurs citoyens ne sont pas affligés de la mentalité du loup solitaire parano et affamé et ont reçu durant leur éducation le sens du lien, d’une solidarité totale. Difficile alors de se tuer les uns les autres. Nous, non.'


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Note. Ce défaut d'éducation avec les mêmes dérives se retrouve parfois chez certains, même en France, qui manquent de culture, aveugles à la notion de bien public, de solidarité, de ce "tout" qui s'oppose à l'égoïsme à courte vue d'une "société de loups" pétrie de violence, légale ou non. Lorsqu'un élu si minime soit-il affirme à propos d'une injustice flagrante infligée volontairement à une administrée "on s'en fout, c'est une femme seule, paumée et sans fratrie, elle n'ira pas se plaindre", c'est ce principe qui est en jeu. Irréel? Non, ça m'est arrivé (lien). Lorsqu'un autre cocu, protestant à bon droit contre par exemple des évacuations d'égout (filant droit à la rivière !) bouchonnant chez lui (! mais seul ce point le dérange).. refuse d'ester dans l'espoir d'obtenir en compensation un avantage qui lui importe, c'est le même principe qui est en jeu. Car notre société "évolue" vers l'américaine, et cette vision de Moore est un peu idyllique. Cette dérive paradoxalement "commence" bas, dans les campagnes recues dont personne ne s'occupe, mais finira si nous n'y prenons pas garde à atteindre les populations des villes sur ce point plus solidaires et plus réactives.