HUGUETTE CHARRAS N'EST PLUS
Pierre-Albert Clément, résistant, ami de toujours, simple, émouvant, parle d'elle |
On
s'était rencontrées presque par hasard, grâce à une libraire qui avait
un peu forcé la relation. Je venais de
perdre ma mère, elle en fut aussitôt une autre, toute différente, de son
chef puis du mien. Je l'appelais Oriane de Guermantes ("Vu du néant") pour
son côté mondain, délicatesse, gentillesse,
générosité, sérieux dans le travail version jardin [je lui disais qu'elle était une
truite -on l'utilise pour détecter la pollution de l'eau parce qu'elle
s'agite dès qu'il y a un toxique- car elle trouvait toujours des fautes
dans les manus y compris les miens que j'avais pourtant corrigés et re
re re corrigés]... mais non dénuée d'un certain style coterie, ce
qu'elle ne déniait pas, mais qui n'empêchait pas sa
liberté de pensée. Nous étions opposées -et pour cela peut-être, amies-
moi, activiste littéraire sans -trop- souci de casse et elle toujours égale
et understatement, trop des deux côtés -donc nous nous complétions- et presque toujours d'accord sur le fond. Malgré la différence d'âge,
on s'est très vite tutoyées, de son chef toujours. Le journal
-Midi-Libre- était sa famille, les livres sa fratrie, moi, peut-être son troubadour qui la sortait du convenable tout-Alès. Bonne vivante plus que
moi pourtant, fine connaisseuse de champagnes et de restau, dans son appartement nickel et accueillant à la fois, il arrivait que l'on sifflât à deux une demi bouteille -et je dévorais en prime les petits fours car il m'était interdit de fumer (!)- Petites bitures et marrades, moqueries -mais elle était toujours bienveillante- et le coeur léger ensuite. Elle m'a tirée d'une mauvaise passe. Je n'ai pas su lui rendre la pareille. Puisse-t-elle me pardonner.